En 12 années passées désormais à fréquenter l’écosystème des startups de la Baie de San Francisco (histoire d’être géographiquement précis et de ne pas mentionner que la « fameuse Silicon Valley »), j’ai adoré voir de près les monstres du Web (Google fin 2007 ou Linkedin, Facebook dès 2008, eBay, Intel, etc.) mais aussi rencontrer des « anonymes » qui ont disparu depuis (la dure destinée d’une « startup » parfois) et d’une certaine façon « rendre compte » de la réalité du terrain. J’adore ça !
Aujourd’hui, et nous le devons beaucoup aux années Techcrunch, le fameux site d’information américain spécialisé dans l’actualité des startups Internet fondé en 2005 par Michael Arrington, les nouvelles « tech » dans les journaux, tous formats confondus, se contentent trop souvent de faire la part belle aux heureux bénéficiaires de levées de fonds. Genre « t’as pas levé, reviens quand t’auras une belle histoire à raconter ».
Suite à une énième « vidéo live » partagée sur le réseau social professionnel en ligne Linkedin, où j’aime parler en général de l’actualité du jour, j’ai proposé d’écrire une histoire de startup pour qui serait intéressé. Je tiens donc ma promesse à travers cette nouvelle et éphémère rubrique qui va permettre de faire parler ces entrepreneurs de startups de leur projet et de leur histoire à travers un simple jeu de questions et leurs réponses. Avec le tutoiement de rigueur, sans filtre.
Aujourd’hui, c’est Morgan Schleidt qui va nous parler de Hetchr depuis Lyon… Bonne lecture !
LJS : C’est quoi ton projet, tu as commencé quand, en solo ou en duo ?
Morgan Schleidt : Notre projet, Hetchr, est une plateforme dédiée aux développeurs, leur permettant de simplifier la compréhension de leur travail. Hetchr n’a pas été dès le départ une solution focus sur les développeurs, le projet a mis plusieurs mois à maturer, en interrogeant des utilisateurs et des entreprises. En tout, ce sont 4 pivots qui ont permis d’arriver à notre solution, telle qu’elle est aujourd’hui. La vision de base était très orientée crypto et adressait un public trop large, mais c’est comme cela que j’ai pu rencontrer mon premier co-fondateur, William, américain basé à San Francisco. Nous nous sommes connus sur un Slack dédié à la crypto et aux actus car à l’époque (fin 2017, début 2018), le sujet était sur toutes les lèvres. De fil en aiguille, nous avons discuté, puis monté une présentation rapide, et on est partis la tester. La société ne sera créée que 14 mois plus tard, entre temps deux autres co-fondateurs nous ont rejoint. Notre équipe est distribuée car deux co-fondateurs sont en France, un autre est à Amsterdam et un dernier à San Francisco.
LJS : Qu’est ce qui t’a amené à développer ton projet entrepreneurial ?
Morgan Schleidt : Un premier projet entrepreneurial bien sûr ! Hetchr est mon deuxième projet, je me suis lancé un peu tard, à 33 ans, dans l’entrepreneuriat. Mon envie d’entreprendre est née d’un simple constat, je vendais depuis 9 ans des produits et services en B2B, mais étant designer produit à la base, je trouvais un peu dommage de savoir vendre et de le faire pour des produits que je ne concevais ni ne cautionnais pas. Donc fin 2016, j’ai monté une première boîte, qui a eu le talent de me faire faire beaucoup d’erreurs, que j’étais prêt à ne pas répéter avec Hetchr, et jusque là ça fonctionne plutôt beaucoup mieux que la première fois. Le sujet que l’on traite avec Hetchr est d’ailleurs en partie venu de ma relation avec des développeurs lors de ma première aventure.
LJS : Le Pitch ?
Morgan Schleidt : Le métier de développeur (NDLR de logiciel), assez jeune (70 ans) évolue sans cesse et continuera de le faire. La population des développeurs va doubler à 10 ans. Pour autant, il n’existe pas de solution simple pour comprendre en permanence l’évolution d’un développeur, alors que c’est un sujet critique pour un manager, pour les recruteurs et pour les développeurs eux-mêmes. C’est ce que nous proposons avec Hetchr. Grâce à nous, un développeur bénéficie d’un espace personnel décentralisé, au sein duquel la totalité des actions effectuées dans ses outils sera stockée, analysée et retranscrite clairement. Ceci permet à chaque développeur de démontrer un track-record up-to-date en permanence.
LJS : Tu t’adresses à quel marché, quels types de clients ?
Morgan Schleidt : Avec Hetchr nous adressons les développeurs. Il se trouve qu’un développeur peut également être un manager, un CTO ou un chef de projet. De ce fait, il va avoir besoin de fonctionnalités supplémentaires liées au management d’équipes de développement, c’est ce que nous proposons. Nos types de clients sont donc assez variés, mais si nous devions cité deux clients types, avec lesquels nous résolvons beaucoup de problématiques, ce serait les ESN, idéalement avec une dimension internationale premièrement, et les entreprises ayant plus de 20 développeurs sous gestion, idéalement en croissance deuxièmement.
LJS : C’est quoi ton modèle d’inspiration ?
Morgan Schleidt : Vaste question ! C’est difficile à dire, je ne pense pas m’inspirer d’un modèle mais plutôt de certaines parties d’un nombre important. J’écoutes et je lis beaucoup d’entrepreneurs Français et Américains, je trouve toujours du bon à prendre quelque soit la personne. Après si je devais citer un entrepreneur qui sort du lot, ce serait (Elon) Musk, parce qu’il trace un chemin au lieu d’en suivre un. Arriver à son niveau est le fruit d’un parcours incroyable, quasi impossible à reproduire.
LJS : Quelle est cette partie extraordinaire qui te rend fier particulièrement ?
Morgan Schleidt : Sans hésiter, mon parcours. C’est assez amusant d’ailleurs car c’est un rappel à notre solution avec Hetchr, mais mon parcours est unique. J’ai fais de la comptabilité, du design produit, de la vente en B2B avant de devenir entrepreneur. Aux US, il existe un terme pour décrire cela : la sérendipité. J’ai usé et abusé de ceci, en m’efforçant d’apprendre le plus vite possible tout nouveau sujet que j’avais sur mon chemin. Cela me rend fier car c’est comme un tableau que tu peins, tu peux mettre plusieurs années pour le peindre en revenant dessus encore et encore. C’est seulement lorsqu’il est vraiment fini que tu vois la quantité et la qualité des détails et des réussites qu’il comporte. C’est un peu ma vision de ma carrière, même si mon tableau à moi est loin d’être achevé.
LJS : C’est quoi l’équipe, comment tu recrutes tes collègues/ employés ?
Morgan Schleidt : Notre équipe à l’heure actuelle c’est 7 personnes, dont 4 co-fondateurs. Je suis à Lyon, en France avec le CTO, Alexandre, et notre lead front Stanislas. Notre COO est à Amsterdam, il s’appelle Florian et enfin mon homologue aux USA, William est à San Francisco. A ceci s’ajoute un business developer, Philippe, et une chercheuse en DLT, Sonia. A l’heure actuelle, vu que nous ne sommes pas encore en phase de croissance forte, si je dois recruter je fais appel à mon réseau et au destin, un peu. Cela suffit encore à l’heure actuelle. J’ai le plaisir de mentorer des étudiants Epitech, donc j’ai un accès privilégié aux alumnis si je dois recruter des développeurs. Pour les autres employés potentiels, j’applique une méthodologie pour réduire mon risque au maximum.
LJS : C’est quoi l’équipe, comment tu recrutes tes collègues/ employés ?
Morgan Schleidt : Notre end game est clairement d’être la solution de référence pour démontrer le parcours d’un développeur. Il y a 20 millions de développeurs aujourd’hui, cela va doubler à 10 ans, aucun doute que c’est maintenant que le problème doit être traité. Je serais heureux aussi si j’ai réussi à créer une startup qui marche fort en étant franco-américaine dès le départ.
LJS : La France ou le reste du monde ?
Morgan Schleidt : L’opposition est nécessaire ? Je ne suis pas certain, car nous pouvons adresser les deux, mais de deux façons différentes. Après, en toute franchise, la France est un très petit marché en réalité si l’on compare le nombre de développeurs actifs, mais c’est un bon moyen d’en faire une sorte de territoire test pour notre solution et ses évolutions à venir. Un proverbe dit : “Nul n’est prophète en son pays”, donc les USA doivent être notre objectif. J’apprécie aussi la façon dont le business est opéré aux US, les décisions se prennent plus vite, positives ou négatives. En France, malheureusement, tu peux rester des mois à végéter car les prises de décisions sont longues et donc ne te donnent pas la tendance exacte de ton product market fit. D’un certain point de vue, en France, nous voudrions créer des startups exemplaires, mais les cycles de décisions ne le permettent absolument pas, malgré de gros efforts de la part des institutions pour financer l’écosystème.
LJS : 2020, ce sera comment pour toi ?
Morgan Schleidt : Nouveau. J’atteins un stade de l’entreprise que je ne connais pas, je vais donc devoir apprendre, lire, comprendre, exécuter vite et bien. Ce sera surement l’année orientée US pour Hetchr, donc potentiellement cela changera beaucoup de choses même au niveau perso. Nous avons des choses à prouver cette année, donc à nous de tout faire pour que nos preuves soient celles escomptées ! Une fois encore, 2020 va nous forcer à être en dehors de notre zone de confort, le seul endroit où les choses arrivent vraiment en réalité.
Merci pour cet article. Ravie de découvrir Hetchr et son fondateur Morgan Schleidt!