Un bon coup de hacking de la France de la part de Facebook

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Facebook s’est développé sur les bases d’un génie qu’il faut bien reconnaître à Mark Zuckerberg : le hacking. Déjà, au tout début, « Zuck » a hacké les serveurs de son Université pour disposer des photos des étudiantes nécessaire à son application idiote de comparaison de profil féminin. Il s’est ensuite plus ou moins servi d’un projet imaginé par les frères Winklevoss pour développer Facebook dans son coin. Par la suite, dans les grands standards de management de la société basée à Menlo Park, en Californie, le hacking est mis à l’honneur pour susciter l’éveil et l’imagination des développeurs informatiques et trouver des niches d’amélioration de la croissance du nombre des utilisateurs et de leur audience. Hack, hack, hack.

Je ne vais pas revenir sur les récentes affaires de confidentialité, d’utilisation des données des utilisateurs : hacking, toujours ce fameux hacking, pour le plus grand plaisir des investisseurs rendus très gloutons par les niveaux de rentabilité de Facebook et donc de reversement des dividendes. Et je ne peux que constater qu’une fois de plus, Facebook vient de hacker une nouvelle organisation : le Gouvernement Français. J’avoue avoir eu du mal à comprendre la nouvelle annoncée en charabia anglais sur le gossip de la tech, j’ai nommé Techcrunch mais voilà : Facebook va laisser les régulateurs français enquêter sur les processus de modération.

C’est quoi cette histoire ? Facebook et le gouvernement français vont coopérer pour examiner les efforts de Facebook en matière de modération sur leur plateforme. Ainsi, au début de l’année prochaine, des « régulateurs français » lanceraient une enquête informelle sur la modération de la société Californienne à base d’algorithme et humaine. Reste à définir ce que l’on entend par « enquête informelle », mais il semble que Facebook soit prêt à coopérer et à donner un accès sans précédent à ses processus internes. Vraiment ?

La voie officielle nous informe que cette annonce est le résultat de discussions informelles entre les hauts dirigeants de Facebook et le gouvernement français qui a débuté avec le Sommet « Tech for Good » en mai. L’ancien vice-Premier ministre britannique et nouveau vice-président de Facebook chargé des affaires mondiales et des communications, Nick Clegg, a dévoilé le programme lors d’un déjeuner à l’Élysée, ajoutant que ce modèle de co-régulation du secteur de la technologie publique est absolument essentiel. On voudrait nous faire passer Facebook pour une Sainte qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Comment une chose est elle rendue possible, tout d’abord en terme d’efficacité, car je doute fort que Facebook donne accès à ce qui fait le nerf de la guerre de cette entreprise, ne serait-ce que par la simple porte de la modération. Enfin, quel impact ce type d’accord peut il avoir par rapport aux relations tendues que Facebook peut avoir avec les autorités des États-Unis, le pays du « free speech » avec son 1st Amendment, où l’entreprise a ses quartiers généraux, après la leçon reçue par « Zuck » de la part des Sénateurs, sur ce que Facebook fait avec ses données ? Existerait-il une nouvelle frontière à définir en terme de « territoire de modération » d’une entreprise cotée au NASDAQ ?  L’annonce n’a pour le moment fait l’objet que de commentaires platoniques dans la presse Américaine, mais que dire d’un nouvel interventionnisme de l’État Français dans l’intimité des Français qui utilisent la plateforme, soit a priori environ 35 millions de Français. Il est clair qu’il y a un véritable problème de propagation de la haine sur les réseaux sociaux, et qu’il est envisageable d’y voir une responsabilité du Gouvernement sur le sujet. Mais de là à aller fouiller dans les algorithmes de Facebook…

Les trois mamelles du président français Emmanuel Macron de la réglementation technologique tiennent en trois mots: inclusion, confiance et coopération. Il aurait également déclaré qu’il devrait exister un troisième moyen de réglementer les technologies, en parallèle à celui des Chinois, ou celui des États-Unis. Sans doute a-t-il le chiffre 3 comme chiffre fétiche. Le président Macron a également évoqué la recette du programme en question lors d’un discours prononcé lors du Forum sur la gouvernance de l’Internet à Paris : analyser comment fonctionne le marquage, comment Facebook identifie le contenu qui pose problème, et comment Facebook décide s’il faut modérer ou non le message qui a pour conséquence de supprimer un message, une vidéo ou une image.

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Techcrunch nous signale que ce type d’enquête rappelle la réglementation bancaire et nucléaire (mon Dieu, ça fait peur), à savoir que cela implique une coopération étroite avec le Gouvernement afin que ses régulateurs puissent certifier qu’une entreprise fait tout correctement. Certes, mais ça veut dire quoi, tout faire correctement ? Les gouvernements demandent des résultats et les réseaux sociaux doivent résoudre seuls les problèmes de modération. Certes, ce sont des sociétés privées. Qui serait en charge de cette tâche ? La France regorge de spécialistes de régulation en tout genre avec l’ARCEP (le régulateur des télécoms), la DINSIC (considérée comme la direction des systèmes d’information de l’État français), le CSA (des régulateurs de la télévision et de la radio), et pourquoi pas la CNIL, ça ferait un joli mariage…

Le Gouvernement Français souhaite trouver « un biais algorithmique »  et tester des ensembles de données sur les outils de modération automatisés de Facebook, en se concentrant sur un petit champ d’application (de quoi parle-t-on ici par « un biais algorithmique » ?). Cela pourrait conduire à de nouvelles réglementations : on peut faire confiance à un Gouvernement Français sur ce point.

L’intérêt de Facebook dans tout cela ? Clairement montrer patte blanche après tous ses déboires et remonter dans la cote d’amour de Madame Michu ? L’affaire est plutôt bien jouée de la part de Mister Clegg, qui n’aura pas réussit à empêcher le Brexit, après une belle carrière passée dans le politique, mais a réussi un plutôt joli coup chez le voisin outre-Manche pour son nouvel employeur. Un joli coup de hacking.

Mon debrief à moi du Web Summit 2018

La France de la « startup-tech » continue de m’amuser, comme ça, à distance… Un des plus grand concert de startups vient juste d’avoir lieu à Lisbonne, avec 70.000 personnes qui se sont déplacés au Portugal pour s’acoquiner des nouvelles tendances, rencontrer des « entreprenuers » de startups (comme ils disent aux States, incapable de coller un « e » et un « u » dans le bon sens…), au total de 2.000 cette année, et quelques stars d’Internet et de la politique (ne vous inquiétez pas, tout ce petit monde fait bon ménage ensemble) : le Web Summit.

WebSummit 2018

J’ai scruté la presse Françaises dans les pages « Hi-Tech », comme ça… Rien ou presque. C’est sur, ils se réservent pour ce que j’appelle le guet-apen de la tech Française (on a du mal à refuser quoi que ce soit au grand Maurice), j’ai nommé Viva Technology. Pour se pâmer une nouvelle fois de la grandeur de la scène des startups Françaises, la plus grosse du monde, celle de la « startup-nation », définition que Macron (ou ses communicants en panne d’inspiration)  a emprunté, juste comme ça, à nos amis Israéliens.

L’Europe avait belle allure au Web Summit. Clairement, 70.000 visiteurs qui viennent à Lisbonne, ce serait le double si l’évènement avait lieu à Paris, au moins, ou à Londres… Des startups, il y en avait aux quatre coins des quatre « Pavilions », par secteurs de spécialité (professionnel, grand public, le tout coupé en petites parts de saucisson), venant de tous les pays, avec, tournant autour, toutes les nations de développeurs de logiciels en mode externalisé (Ukraine, Belarus, l’Inde aussi), à la recherche de nouveaux pigeons…euh des clients je veux dire…

Il y a les startups « Alpha », les toutes petites, avec leurs produits à moitié finis, les « pitchs » mal dégrossis, les T-shirts corporate à 3 sous, et pour certains des goodies pour attirer le chaland. Genre des Ferrero Rocher pour les Italiens, de la bière chez les Hollandais, etc. Il y a celles qui vous vendent du « green cloud » (des nuages verts pour dire qu’ils vendent des serveurs informatiques propres, par comme ceux d’Amazon), celles qui proposent la millionième plateforme pour développer des applications web, entre autres. Puis il y a les startups « Growth », celles qui font du chiffre d’affaires (néanmoins non certifiés par Commissaires aux Comptes), qui friment un peu plus que les autres, qui portent des « hoodies » (c’est un sweet-shirt que l’on porte dessus un T-shirt, la classe au-dessus, ils ont de plus gros budgets marketing, et oui c’est ça la hiérarchie des startups).

Il y a la « startup battle », un grand classique, où les entrepreneurs de startups s’affrontent dans des joutes verbales, à celui qui sera le plus pertinent à changer les monde, avec un parterre de jurys triés sur le volet. De la licorne dans les filets, à tous les coups. Cette année, c’est une startup anglaise (c’est facile, ce sont les meilleurs pour parler en anglais, enfin bref…) Wayve qui a gagné. Des tronches de Cambridge qui travaille sur un logiciel permettant de guider les voitures sans conducteurs, en cours de test sur les routes britanniques.

Il y a les soirées, mais là je vais faire vite parce que pour moi les nuits commençaient vers les 9 ou 10 heures du soir. Pas le temps de batifoler.

Il a y eu beaucoup de femmes au Web Summit. Elles ont été mises à l’honneur, et il faut dire qu’il y avait comme des airs de parité dans l’air. Des couples qui se tiennent la main, qui s’embrassent (on se dirait sur Saint-Germain des Prés), des enfants dans des poussettes… Des femmes voilées, des kippas, des turbans. Bon, reconnaissons qu’il y avait tout de même une majorité de visiteurs Portugais, mais dans les rangs des stands de startups alignées comme dans une étable, il y en avait de tous les pays, et c’était chouette à voir. Parce que le monde des startups, c’est ça. Ce n’est pas le concours de celui qui a le plus gros nombres de ressortissants de son pays, mais bien un moment culturel de rencontres (on est là pour apprendre, qu’ils disent tous), sans doute de business pour certains, même si c’est bien difficile de sortir du lot et d’engranger de vrais conversations d’affaires. On est en mesure d’être un peu exigent quand on nous demande de payer alors que les sous sortent de votre poche pour s’exhiber avec pleins d’espoirs dans la tête. Malheureusement les grands organisateurs d’évènements de startups n’ont pas trouvé d’autres business model. Et c’est de plus en plus difficile d’obtenir des sponsors venant du vieux monde de l’économie…ils étaient bien maigres en quantité au mètre carré sur ce salon, à part les habituels IBM etc.

Paddy Cosgrave

Il n’est pas fou, le Paddy. Paddy Cosgrave, 36 ans, est l’initiateur de ce grand évènement. À l’opposé d’un Maurice Levy qui force la porte des grandes marques pour re-positionner Paris parmi les lieux qui comptent sur la scène startup, Paddy s’est fait tout seul, là-haut, depuis son petit pays, l’Irlande. Je me rappelle des premiers WebSummit, c’était chou. Maintenant, il joue les Jeff Bezos à voir quelle ville est prête payer le plus pour abriter son évènement. C’est Lisbonne qui continue de tenir la corde, à coups de millions d’euros, pour les 10 ans à venir. Paddy aime le Portugal, qu’il appelle même la « Californie d’Europe », ça va rendre fou Macron ça, il n’y avait pas pensé (même si un ponte d’Apple l’a récemment encouragé à « créer un pont digital vers la Silicon Valley, ce qui est quand même plus compliqué à faire). Il a fait grandir son bébé, années après années, se développe en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) et il n’a pas fini visiblement. Comme beaucoup dans ce milieu des startups, il s’est décidé à créer un fonds d’investissement, avec comme premier montant $50 millions, basés à San Francisco. Il s’appelle Amaranthine, qui semble de prime abord inspiré du nom d’une liqueur Irlandaise, mais se trouve être en fait un synonyme d’un  pigment qui donne notamment sa couleur rouge à la betterave. Tout un programme.

Il y a les investisseurs. Là aussi je serai bref car c’était plutôt difficile de les voir, ils devaient se cacher dans les salons cossus du centre de convention. Il semble qu’ils étaient 1.500, ce devait être ceux qui retournaient leur badge afin que l’on ne les reconnaisse pas. Il faut dire que les startups se jettent dessus, tant il est difficile dans le monde capitaliste actuel de se faire un réseau parmi ces généreux donateurs. Trouver des investisseurs, les convaincre, est une des choses les plus compliquées pour la majorité des startups qui se lancent dans leurs projets en toute confiance (trop, bien souvent). Il y a tellement d’incubateurs et d’accélérateurs (de startups, pas de particules) qui se vantent de pouvoir vous aider dans la quête du Graal. Et ceux qui vous lancent à la figure « que tout le monde peut être entrepreneur » (j’ai rarement entendu pareille connerie).

Tim Berners-Lee, Portugal Web Summit

Il y a les hommes politiques. Tony Blair est de ceux là et qui en profite pour clamer le Brexit peut encore être stoppé. On y croit. Ou pas. Mais, coté politiques,  pas n’importe lesquels : Paddy n’hésite pas à annuler des participations d’invités qu’il juge disons…peu compatibles à une certaine vision d’un nouveau monde moderne et ouvert... Il y a les habituels technocrates d’Europe qui viennent pour parler de confidentialité des informations privées, qu’ils vont faire cracher les GAFA et tout ça. Je vous laisse chercher tout ça sur Google, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé du moment. Ah oui, il y a celui que l’on appelle l’inventeur d’Internet (ça m’étonnerait qu’il l’ait inventé tout seul dans son garage, mais bon…), Tim Berners-Lee launches, qui a lancé une campagne afin que ‘on arrête d’abuser d’Internet, en créant un « contrat » et appelant les grandes entreprises et les Gouvernements à le signer. Je vous laisse deviner qui a été le premier pays à le signer. Quel bon élève ce Mounir… Je ne pense pas que le problème vienne véritablement d’eux, ni comment ils peuvent résoudre le problème dans la décennie qui s’annonce. Des Kalanick, dans le genre des profiteurs du web et des nouvelles classes ouvrières digitales (avec Deliveroo et les autres), j’en croise tous les jours. Ou presque. Il y a les investisseurs, les fameux VCs, pour ça et les faire sortir du bois. Mais bon, c’est sur qu’il faut que ça bouge, le digital commence à nous poser quelques problèmes dans son application en général.

Furhat Robotics

Il y avait les robots. C’est cool, un robot, on ne le paye pas pour parler. Mieux même, on les programme pour le faire. C’est fun, bien plus fun que certains spécialistes Français du sujet qui personnellement me font déprimer quand ils nous parlent des dangers de l’intelligence artificielle. Ca doit bien payer ce job, on les voit partout, de quoi faire paniquer une population entière sur le futur du monde. La star du moment, c’est la startup Furhat Robotics, des Anglais. Too bad, pas de French Tech sur le coup. Sympa, ce robot, il semble capable de faire « papa-maman » comme on dit.

 

Bon, Paddy, merci pour l’invitation. Quant a vous, je vous laisse réfléchir sur votre participation ou non à Viva Technology, qui se déroulera du 16 au 18 Mai prochain à Paris. San rancune, Maurice.