C’est Noël, période où généralement les médias spécialisés se mettent au reportage bouche-trou, au hasard par exemple un publi-reportage sur des personnalités du web de l’année qui s’annoncent, qui sent bon l’article de complaisance, mais il faut bien de tout pour faire un monde. Alors, en cette fin d’année, j’ai choisi pour réveiller un peu ce blog qui s’endort un article qui sent, lui, le réchauffé, certes, mais qui a le mérite de mettre à l’honneur des personnes qui eux aussi agissent sur le terrain, au service de leur startup, de leur entreprise, de leur passion. C’est amusant de parler d’un ingénieur autrement par le fait qu’il est co-fondateur d’une startup qui veut changer le monde, ou qu’il travaille pour une entreprise qui prétend vouloir changer le monde.
C’est fatigant, à force, de vouloir toujours changer le monde. Surtout qu’on ne le voit pas tant changer, ce monde. Par contre, les passions, elles, font bouger les montagnes. Je l’ai vu. Tout comme le web, le mobile, le réseau social, Internet va vite, parce qu’il est nourri par des gens passionnés. Alors vite, retour sur ces Français de l’année 2015 que j’ai croisé au hasard de San Francisco, là où tout peut arriver. Ces gens méritent que l’on parle d’eux deux fois.
Alexei Chemanda, c’est un jeune co-fondateur de la startup Motionlead, qui encore étudiant à l’EPITA, une école d’ingénieur à Paris, travaille sur un nouveau produit qui fait de la publicité mobile animée.
Alexei a une formule toute trouvée pour toi, jeune qui arrive à San Francisco, qui sait que Craigslist tient en son sein l’appartement de tes rêves, mais comment faire pour le trouver ? Alors, cette formule magique ?
Ce problème en mathématiques est le « Sultan’s Dowry ». En français, ça se traduit par prendre le premier appartement venu ou savoir comment saisir la bonne opportunité en un coup de rien.
Ce problème indique qu’il faut regarder au moins environ 1/3 de ses choix pour se fixer une base comparative, et ensuite, dans les 2/3 restants, de prendre une solution.
Alexei a, lui, une légère variante… organiser un paquet de visites pour un week-end donné (en gros le premier week-end de présence sur place) en sélectionnant uniquement des appartements qui répondent à ses critères :
- Si c’est dans mon budget + / – 10% ?
- Si il est assez proche du bureau ?
- Si il est assez proche des transports (pour aller dans SF le Caltrain par exemple, ou des bus etc.) ?
- Si l’appartement a un bon WalkScore …
- Fais un tour sur Google Street view : si les alentours conviennent…
- Si on reste plus d’un an, regarder si l’appartement est rent-controlled, c’est à dire que le loyer ne peut pas bouger au delà d’une infime augmentation, sinon on s’en fout…
Une fois que l’on compile cette liste (au moins 10 appartements), faire des rendez-vous qui se suivent, tous casés dans 1 weekend (laisser 25 minutes maximum par appartement, plus temps d’aller d’appartement en appartement). Préparer son dossier pour tout soit tout prêt pour signer le lease sur le champs.
Quand on commence les visites, regarder au moins 30% des appartements de sa liste avant de prendre une décision. Une fois que l’on a vu 30% des appartements, prendre le premier appartement (petite variante par rapport au problème du Sultan : potentiellement un que l’on a déjà vu) qui vous plait. Ca ne veut pas dire « parfait », ça veut dire « dans lequel je me vois vivre, même si X et Y c’est pas top ».
Pour Alexei, la meilleure façon d’être gagnant sur tous les fronts : avoir un appartement rapidement, un appart sympa, sans perdre trop de temps pour les visites, et “move on” !
PS : ce conseil n’est pas valable lorsqu’il s’agit de familles, ou des ingénieurs plus seniors. Mais en sortant de l’école, c’est parfait.
Adrien Friggeri, lui, n’était pas nécessairement destiné à se faire des bons petits plats à San Francisco une fois sorti de l’École Normale Supérieur de Lyon. Et pourtant…
Nos jeunes Français expatriés de la Silicon Valley ont du talent : ça se sait depuis belle lurette ici à San Francisco, et on ne compte plus ces accents qui sentent bons nos campagnes françaises un peu partout dans les sociétés de la Californie. À commencer par les plus connues d’entre elles.
Adrien Friggeri est un homme curieux de beaucoup de choses et qui développe des talents en dehors de son expertise dans la science de la donnée… Si vous voulez ce que ça peut vouloir dire, être data scientist, que l’anglais ne vous rebute pas, allez donc jeter un oeil sur cet article co-écrit avec des collègues de Menlo Park : “Cupid in your network”.
Bon, on n’est pas vraiment dans cette rubrique pour parler de Zuckerberg, mais plutôt d’Heinlein, Robert de son prénom, dont une des citations est le leitmotiv de notre Adrien : “A human being should be able to change a diaper, plan an invasion, butcher a hog, conn a ship, design a building, write a sonnet, balance accounts, build a wall, set a bone, comfort the dying, take orders, give orders, cooperate, act alone, solve equations, analyze a new problem, pitch manure, program a computer, cook a tasty meal, fight efficiently, die gallantly. Specialization is for insects.”
Oui, avant de changer le monde, un homme doit savoir changer une couche d’un bébé, écrire un sonnet, construire un mur, cuisiner un délicieux repas, combattre efficacement, mourir élégamment. Bon, on ne vous en demande pas autant dans l’immédiat, juste, dans le cas d’Adrien, savoir tricoter des chaussettes. De Facebook à Phildar, il n’y a qu’un pas (ça me rappelle avoir été bercé par les aiguilles multicolores de ma maman, de ce bruit de métronome, tic tac tic tac, une maille à l’endroit, une maille à l’envers, les pelotes partout dans le salon, les félicitations de vieilles dames parfumées au Phildar du coin à l’endroit de ma mère qui avait – et a toujours – un talent sans pareil pour vous tricoter n’importe quoi).
Bon, ce n’est pas ce qu’il préfère réaliser, mais le résultat est là. Moi, j’achète ! Ne pas être dans une petite case, apprendre à faire plein de choses, sans cesse. L’art est pour Adrien un domaine intéressant, et bien que ce soit le tricot en ce moment qui l’occupe, il a bien envie de se remettre à l’ébénisterie d’ici la fin de l’année, il a d’ailleurs un projet de lampe qu’il voudrait terminer. Cette année, c’est décidé, ce sont 3 nouvelles compétences qu’il veut acquérir…
Mise à jour : pour avoir suivi ses activités sur Facebook, je pense qu’Adrien a rempli son objectif.
Le concours du geek qui a la plus grosse en général c’est : “j’ai eu mon premier Amstrad quand j’avais 3 ans”, ou encore “j’ai découvert Internet en 1992″, des trucs du genre. Clairement, Jérôme Petazzoni, c’est à l’âge de 6 ans que les bits et les octets ont commencer à le travailler, alors que pour d’autres, ce sont les dents qu’ils commençaient à perdre.
Mais point de ce jeu-là avec Jérôme. C’est un esthète, qui ose pousser le verbe jusqu’à parler de l’art du code, ou du code comme un art. Il y a bien de la musique d’ascenseur, pourquoi à l’inverse ne pas considérer le code comme un art ? Quand on voit certains écrans avec toutes ces lignes de programmation multicolores, on n’y comprend sûrement rien, mais il est possible d’y voir des formes. Pas moins abstrait que certaines oeuvres abstraites…
Mais il peut se permettre ces comparaisons, Jérôme. Non pas du fait qu’il soit un Tinkerer Extraordinaire, ce qui ne veut pas dire grand chose pour le commun des mortels, d’ailleurs. Non, il peut se le permettre, parce que c’est aussi un artiste, Jérôme. C’est un musicien. Un musicien qui a trouvé plaisir dans le parallèle de son métier, qui l’amène à prêcher la Docker parole à travers les continents et dans l’exploration des instruments de musique de toute sorte. Et on va les compter ensemble.
10 ans de piano, depuis l’âge de 6 ans, ça vous forme un musicien. Rompu aux exercices de solfège, qu’il a enfin fini de comprendre à force de travailler les notes sur différents instruments, ça ne lui suffisait pas. Explorer les containers de logiciel, base de construction du lego de sa startup, c’est sa nouvelle pratique, mais bien avant cela, il y eut une liste impressionnante d’instruments qu’il a découvert, visiblement avec gourmandise et curiosité. Faire du piano, c’est bien, mais l’orgue, ça a quel son ? En voilà 2.
Le hasard d’une vie vous met des fois sur le chemin d’une guitare basse, et cela va devenir son 3e instrument, et l’un de ses préférés. Ne vous étonnez pas de le trouver en train de faire un jam quelque part dans un des lieux musicaux de San Francisco, il adore ça ! Ensuite, passer de la guitare basse à la guitare à 12 cordes, il n’y a pas un grand pas à sauter, il faut bien soigner la rythmique et les soirées au coin du feu. Ça fait 4.
Le hasard des vacances vous met parfois sur le chemin d’un saxophone alto. Enfin un instrument à vent, qui vous rappelle vos souvenirs d’écoles, et la fameuse flûte (ça fait 6), un peu plus compliqué pour souffler et boucher les trous, mais quel son !
Le hasard d’un don familial, ça vous fait hériter d’un harmonica. Ce rectangle si bluesy et si subtil à manipuler afin de trouver les sons qui vont bien, dans une certaine forme de courbes de souffle qui vous crée des notes sucrées ou salées. De l’harmonica à l’ocarina, il n’y a qu’un pas. Et ça fait 8, tant pis pour la rime.
Le hasard d’un séjour à Prague, ça vous fait gratter un ukulélé. Le premier qui me dit que c’est comme une guitare, c’est qu’il n’a jamais essayé. 9.
Un musicien vous manque ? Point de batteur ? Que nenni, voici Jérôme Petazzoni. La rythmique, on vous dit ! et de 10 !
Attendez, je vous ai gardé le dernier pour la fin. Quel est l’instrument le plus technologique de tous ? Le plus incroyable ? Le plus improbable ?
Celui qui a dit le violon sort. Non, il y a mieux. Ça…
Vous l’aurez tous reconnu : le thérémine.
Inventé dans les années 20 par un certain Lev Sergeyevich Termen, dit Leon Theremin, Russe de Saint-Petersbourg qui a vécu quasiment centenaire, le thérémine est un des plus anciens instruments de musique électronique. “Composé d’un boîtier électronique équipé de deux antennes, l’instrument a la particularité de produire de la musique sans être touché par l’instrumentiste. Dans sa version la plus répandue, la main droite commande la hauteur de la note, en faisant varier sa distance par rapport à l’antenne verticale. L’antenne horizontale, en forme de boucle, est utilisée pour faire varier le volume selon sa distance par rapport à la main gauche.”. Merci Wikipedia. Regardez plutôt…
Ça en vaut bien 10 pour un seul, de savoir jouer de cet instrument, mais ça fera tout de même 11. C’est tout Jérôme, ce thérémine, une discipline poussée dans son schéma a priori le plus abstrait, mais en fait, tout simple. Tout comme Docker, qui veut vous simplifier le monde du World Wide Web, si fragmenté, un morceau d’Over the Rainbow sur thérémine, c’est toute la magie de la technologie au service de l’humain et de l’émotion.
Merci Jérôme Petazzoni, l’homme aux 11 instruments. Le voici aux commandes d’un Power Point à Londres pour en savoir plus sur le rôle d’un Tinkerer Extraordinaire chez Docker.