Il ne se passe pas une semaine sans que je reçoive ce type de message…
« Bonjour,
Je suis actuellement en troisième année d’école d’ingénieurs à blablabla et je cherche un stage marketing. J’ai déjà de l’expérience dans ce domaine (grâce à mes précédents stages et mes autres expériences professionnelles) et j’aimerais savoir si vous seriez intéressé pour votre entreprise Tartempion. Le stage commencerait le 27 machin 2014 et se terminerait le 9 bidule 2014.
Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire.
En l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie de croire, Monsieur, en mes respectueuses salutations. »
Ben voyons. En plus, un ingénieur qui cherche un stage en marketing. Encore un qui ne lit pas Techcrunch.
Enfin, j’ai reçu une perle hier, et je tenais à partager cette candidature motivée, pour mettre en avant un brillant esprit qui a, à mes yeux, tout compris sur la façon d’aborder la Silicon Valley, alors j’ai tenu à lui rendre cet hommage. Analyse du phénomène…
Le story-telling
« Vous devez sûrement vous demandez qui je suis, où est-ce que j’ai trouvé votre e-mail, ce que je veux, pourquoi, etc… Ne vous inquiétez pas je vais tout vous expliquer ! »
La Silicon Valley, c’est avant tout une histoire de communication. On y communique en permanence, c’est d’ailleurs une vraie région bénie pour les PR-blogueuses à $15.000 par mois qui prennent dans leur filet les entrepreneurs-neuneus venant d’ailleurs (de France par exemple) qui n’ont pas encore compris comment ça marche ici. Notre candidat, en l’occurrence, a su retenir mon attention dès la première phrase. Bon début, il a la « racontaille » facile.
La compétence
« Je m’appelle Alain et je suis étudiant en dernière année d’école d’ingénieur à Phelma Grenoble INP où j’y étudie le développement logiciel, le traitement du signal (audio et vidéo) ainsi que le multimédia. »
Encore une fois, tout bon. Ingénieurs, vous êtes les bienvenus dans la Silicon Valley. HEC, ESSEC et autres je ne sais quoi, restez chez vous, ici c’est du codeur que les startups cherchent, du scientifique, du « scientist » formé aux frais de la République, ou presque. En plus, il a sa petite spécialité, notre Alain (j’ai changé son prénom, ne cherchez pas qui c’est !). Le traitement de signal, c’est tout bon pour du Dolby, et bien d’autres. Les spécialistes, c’est encore meilleurs. Les pointures, c’est rare…donc ça vaut cher !
La flatterie
« Afin de réaliser ce projet (très) difficile, comme vous pouvez vous en doutez, j’ai fait de nombreuses recherches sur internet et je suis tombé sur le profil d’une personne « effectuant le pont entre la Silicon Valley et l’Europe ». Vous l’aurez compris, cette personne était bien vous ! Avant tout je tenais à vous dire que je suis très impressionné et respectueux de votre parcours à succès. En effet, de très nombreuses personne n’arriveraient pas à réaliser le tiers de ce dernier durant toute leur carrière ! Vous dites que vous « aimez faire de l’impossible une réalité car il y a toujours une manière d’y arriver » et bien c’est ce que je pense aussi dans la réalisation de mon projet et c’est l’une des raisons qui m’a poussé à vous contacter. »
Pour réussir, il faut savoir mettre en avant un sujet, et le pousser à son extrême. Surtout, savoir s’en servir à son crédit. Vous avez moins de trente ans, vous travaillez dans la Silicon Valley, mec, t’es en train de changer le monde ! Les bonnes histoires de comptoir regorgent de ces jeunes conquérants de l’inutile à qui ont donne un peu plus de $100.000 qui ont l’impression de révolutionner le monde digital. Il sait flatter le Alain, il sait faire mousser, c’est parfait, il est mûr… Plus c’est long, plus c’est bon.
The American Dream is for all of us
« Vous devez pensez que je suis un peu trop ambitieux en voulant effectuer un stage dans cette région mais entre nous, si on ne le serait pas un peu on n’avancerait pas dans la vie n’est-ce pas ? Et votre parcours tend à me faire croire que vous eu, vous aussi, une très grande ambition pour réaliser vos projets. »
Là, tu fais fondre n’importe quel Américain que tu prends en exemple, et qui va vouloir t’ouvrir les portes du Paradis. Tu as tout compris, petit, tu as droit d’y entrer, toi aussi, t’auras ton pass. L’argument qui tue : « je l’ai fait, tu y as droit. Allez viens… ».
La spécificité géographique
« On ne sait jamais si lors d’une pause café, déjeuner, goûter (quoi ? On ne fait pas de goûter à 16h dans la Silicon Valley?… Il va falloir remettre les chose dans l’ordre là !) ou d’un meeting vous auriez entendu parler d’un stage libre qui attendrait par exemple un étudiant ingénieur français et par un autre hasard venant d’une école grenobloise et aussi par un autre grand hasard de mon école… »
Pour un Américain, si tu es français, la première question qu’il pose c’est : « Where are you from? », et la réponse qu’il attend c’est « Paris ». Paris, c’est un pays, où on parle anglais avec un accent, c’est bien connu. Là, si tu lui dit que tu est de Grenoble, c’est bon, il y en a pour une demi-heure à discuter, sur les détails de la faune, l’épaisseur de la neige en hiver, et tout le reste. Le profil idéal du mec que l’on veut inviter à son BBQ (ça tombe bien, il n’y a pas grande chose à faire d’autre le weekend dans la Silicon Valley). Encore un bon, point, Grenoble. En plus, il a des sujets de discussion (explique le gouter, ça va bien prendre quinze minutes)… Et il croit en sa bonne étoile (American Dream, encore…).
La diversité
« Mes années d’études (C, Java, Matlab, multimédia) couplées avec mon expérience professionnelle au département acoustique de l’IRSST (Montréal, Canade), à Arturia (Meylan, France) et à l’INT (Institut de Neuroscience de la Timone, Marseille, France) ainsi que mon expérience en développement logiciel me font dire que j’ai les compétences et le background que les entreprises recherchent. »
Bon, la spécialité c’est bien, mais la diversité dans la spécialité, c’est encore mieux. Et quand, en plus, on a voyagé, déjà, les barrières tombent. Il a peut être des choses à nous apprendre le petit ! L’Américain par nature et curieux et ouvert, il sait écouter. Ca change du chef de stage à la française.
La dévotion
« Je suis réellement motivé et je désire vraiment gagner de l’expérience professionnelle. Si on me dit d’apprendre un langage informatique spécifique, je le ferais ! Si on me dit de rester toute la nuit à l’entreprise, je le ferais ! Mais si on me dit de faire du café… Malheureusement je n’aime pas le café… »
Si on veut réussir dans la Silicon Valley, quand on débute, il faut savoir se faire pressuriser le citron, ne pas compter ses heures. Une startup, c’est une course contre la montre, une course contre l’impossible. On mange en équipe, on dort en équipe, on réussit en équipe. On garde sa spécificité, on apporte sa richesse, c’est comme cela que l’on contribue. Tu n’aimes pas le café, c’est ok, apporte moi un thé alors.
L’accent
« Enfin le dernier point, mais non le moindre, est que tous les employés de cet auront le plaisir d’entendre mon accent ensoleillé du sud de la France (je suis originaire de Marseille). »
La Silicon Valley est une véritable Tour de Babel. Une startup qui n’a pas son français ingénieur, c’est comme un burger sans ketchup, San Francisco sans le Golden Gate Bridge… Si en plus il a un accent, bien français, c’est le jackpot, on ne risque pas de louper le fait qu’il y a de la diversité dans la team. Rien de pire qu’un français qui veut absolument parler américain, c’est désespérant. Perdre sa nature profonde, son accent, c’est y perdre ses racines, c’est retirer ce qui fait le piment de sa contribution au couscous géant de la Valley.
Voilà, ceci est en quelque sorte un manuel du bon étudiant qui veut s’exporter dans la Silicon Valley, vu de ma fenêtre. Il m’en a mis une deuxième couche d’ailleurs, avec un passage que je ne peux m’empêcher de citer…
« Aussi, je pense avoir un « avantage » sur les étudiants américains au niveau des salaires. En effet, je peux venir travailler pour des salaires allant de 700 à 0$. Oui jusqu’à 0$ ! (bien que je pense que tout travail mérite salaire). Car pour des salaires égaux ou inférieurs à 700$, je peux disposer d’une bourse de départ à l’étranger qui permettra de réguler les comptes (oui, car ça serait bête de partir si loin si c’est pour finir dans la rue…). Donc l’entreprise peut diminuer le salaire qu’elle alloue pour le stagiaire, je dispose de la bourse , ainsi tout le monde est gagnant dans l’histoire. »
C’est sur, il va en trouver des entrepreneurs français implantés ici, habitués qu’ils sont au jonglage d’un recrutement à la française, à faire tous les calculs possibles avec son expert-comptable pour embaucher le moins cher possible, avec le maximum d’aides du gouvernement… Ils sont nombreux les jeunes français qui viennent s’échouer ici, pour un petit millier de dollars, avec juste de quoi se payer son loyer, tout heureux d’être au milieu d’un club de privilégiés, au soleil, la tête pleine de rêves et de codes.
Là, pour le coup, ça me fait moins rire… mais c’est une triste réalité.
Bon, si tu es entrepreneur (français ou pas, mais si tu as lu jusque là, c’est que tu sais lire le français, et c’est bien) dans la Silicon Valley, et que tu cherches un spécialiste des signaux pour cinq à six mois, j’ai sûrement ton homme. Je l’ai bien aimé, « Alain », alors merci à lui pour m’avoir permis de partager ces quelques lignes. Pour l’histoire. Bonne chance à lui.
Bonne chance ‘Alain’, connaissant le temps qu’il investit je croise les doigts pour qu’il trouve ce qu’il cherche!
Mais qu’il n’oublie pas qu’on a quelques projets à finir avant de partir.
Non seulement je sais lire le français, mais je sais aussi voir les « fotes » de francais. Ce n’est pas grave, dans la silicon valley, l’important c’est l’efficacite, ….et peut être que l’auteur est etranger…. Si nous devons faire l’effort d’apprendre ou comprendre les techniques de codage, pourquoi n’est en serait il pas de même pour le développeur devant une langue? Après tout une langue n’est qu’un code servant à communiquer entre nous. ..
Merci Rico, je veux dire Éric de Paris, mais je ne suis pas très sûr d’avoir bien compris ce que tu cherches à nous dire…
Bonsoir,
Je sais lire le français, je sais aussi détecter les « fôtes ».
Il est vrai que dans la Silicon valley, l’efficacité prime souvent sur les moyens pour parvenir au but…
D’ailleurs L’auteur est peut être étranger… ou tout comme à force de vivre aux EU… Le profil ne le précise pas.
Mais si nous devons sans doute faire l’effort de comprendre les techniques de codage en constantes évolutions avec les technologies, pourquoi n’en serait-il pas de même pour le développeur devant une langue?
Après tout une langue n’est qu’un code à maîtriser pour mieux communiquer entre nous.
C’est dommage, car l’approche de ce billet est certainement intéressante et originale, même si je n’y adhère pas totalement ….
Dommage aussi de voir que nombres d’ingénieurs, souvent formés aux (grands?) frais de la République, vont investir leurs compétences et leur volonté d’entreprendre à l’étranger…
Mais ceci est un autre débat.
Ah, Éric, le nuage s’éclaricit. Comme je l’ai dit, et comme je l’écrit en général sur ce blog, tout ceci est vu de ma fenêtre. Merci de m’avoir lu, et d’avoir mis ce commentaires.
Quant au reste, c’est justement un des aspect de ce billet, c’est bien que des jeunes cherchent à s’exporter… et clairement il y a quelque chose à faire pour qu’en France on comprenne enfin qu’il n’y a pas qu’un made in France made in France qui tienne. C’est ce made in France maide in Ailleurs qui un jour, peut être, rendra son lustre à une France compétitivement conquérente.
Bonjour, (désolée si mon français n’est pas parfaite). Mon amie française travaille à Google avec moi en Mountain View en Californie et je veux partager le video qu’elle a fait d’une « Frenchy aux U.S. »http://youtu.be/72loVxocUQo
C’est peut être utile de connaître la vie des français aux U.S. – Ils veulent pas retourner en France car ils se sentent heureux en Californie.
A Google – nous avons beaucoup de Français très intelligent avec un joli et mignon accent. :))
@vicky2001 : bonjour Viky2001,
Je suis à la recherche d’un stage dans la silicon vallet pour le moi de mars ,peux tu m’aider stp…merci
Anonyme ? Pas vraiment ce Alain… Comme vous donnez son CV complet, même en enlevant son nom, à l’heure des réseaux sociaux ce n’est pas bien difficile de retrouver qui c’est.
T’inquiète, cher Nomailthanks, tout ceci fut réalisé avec son accord. Tout baigne.
Bonjour,
Je suis aussi en troisième année à Grenoble INP Phelma en électronique .
J’aimerai passé mon stage de fin d’étude à la silicon valley sauf que je ne trouve des sites sur lesquels je peux trouver des offres de stage. Pourrai-vous me dire comment faire.Merci d’avance.