The Hive lève un fonds de $26,5 millions pour investir dans des applications alimentées par l’intelligence artificielle

T.M. Ravi , fondateur de The Hive
T.M. Ravi , fondateur de The Hive

Je publie rarement des articles pour annoncer des levées de fonds. Je laisse cette tâche aux site dédiés aux choses du web et des nouvelles technologies qui en remplissent leurs colonnes, comme ces gossips d’Outre-Manche qui eux dévoilent les secrets des grands de ce monde que le commun des mortels feraient mieux d’ignorer. Ainsi va la nature humaine, ainsi va la « tech » des Eric Ries (celui qui écrit sur les startups à force de les regarder passer) et autres Techcrunch, le site d’information où les startups lèvent plus d’argent que leur ombre.

Une certaine déformation professionnelle de presque quinze ans dans les métiers de la finance me fait préférer les histoires des entreprises qui recrutent, font du chiffre d’affaires, se battent contre une économie capitaliste redoutable, qui se ré-inventent, qui meurent parfois. Je n’aime pas les paillettes des levées de fonds, même si parfois elles peuvent m’impressionner. À force d’en entendre parler, j’en deviens aigre.

Toutefois, j’ai trouvé que cette levée de fonds de The Hive de 26,5 millions de dollars pour des technologies impliquant l’intelligence artificielle tombe à point nommé pour en faire la publicité, maintenant que le soufflet du fameux rapport de Cédric Villani sur l’intelligence artificielle est retombé, et que l’article du Président Français sur ce sujet dans Wired est retourné là où finissent en général les gargarismes des Français qui veulent se prendre pour un boeuf champion mondial de sa catégorie : dans l’oubli de la mémoire internationale.

Il n’est point indispensable d’être énarque, voire même un brillant énarque, et encore moins urologue et écrivain, pour comprendre que les nouvelles vagues technologiques ne se prennent ni dans les plans d’un Gouvernement en quête de crédibilité numérique, pas plus que dans les grandes envolées lyriques dans la presse anglo-saxonne. Pas dans des organisations publiques en mal de subventions, dans un pays qui voient ses talents ayant un peu de sens du business et des affaires prendre la poudre d’escampette. C’est sur le terrain que ça se passe.

La Silicon Valley l’a bien compris. Cette communauté d’entrepreneurs, qui a créé les bases du métiers du capital risque dans les années 50 (avec un ex-Français  en leader, un comble, un certain Georges Doriot, le « father of venture capitalism »), a bénéficié d’un terrain économique, culturel et fiscal qui a permis l’avènement de ce qui reste encore aujourd’hui la papauté du capital risque, si je peux m’exprimer ainsi. Je dirai même : cela remonte bien avant, avec les premiers succès d’entreprises comme Hewlett Packard (créée à la fin des années 30). N’en déplaise au Wall Street Journal faisant son intéressant en prétendant que c’est faux, ou du moins que l’Asie est un nouveau challenger. Soit.

La démonstration par l’image (en fait, deux graphiques) ci-dessous :

Venture Pulse Report Q4 2017 KPMG
Source : Venture Pulse Report Q4 2017 KPMG

Source : PwC/CB Insights MoneyTree Report

Revenons en à nos moutons, je veux parler de The Hive. Basé à Palo Alto, Californie, la compagnie a levé 8 millions de dollars dans son premier fonds en septembre 2012, pour investir dans six sociétés. The Hive a ensuite levé 21 millions de dollars dans son deuxième fonds, et investi dans 16 entreprises.

Le modèle d’investissement est un peu semblable à une ruche (d’où son nom d’ailleurs, car c’est ce que « hive » veut dire en anglais) en fournissant un capital et aussi en co-créant des entreprises avec de prometteurs talents. Coté investissement, The Hive apporte l’amorçage initial de 1,5 à 2 millions de dollars, en plus du capital de suivi nécessaire au bon fonctionnement ultérieur de la startup. C’est comme au poker, il faut poursuivre suivre sa mise à défaut de perdre le pactole. Cela permet de syndiquer de futures tours de financement, en invitant dans la danse des prochaines levées des sociétés de capital-risque sur des montants plus importants. Coté co-création, The Hive travaille avec les entrepreneurs pour aider les jeunes startups sur toute la chaîne de valeur lors de la création d’entreprise, de la conception d’affaires, de la stratégie de mise sur le marché et de l’introduction auprès des premiers clients et partenaires.

À titre d’exemple, depuis 2012, The Hive a co-créé et investi dans 24 entreprises, dont six ont été acquises: Nurego, qui a été acquise par GE Digital; Kosei par Pinterest; Perspica par Cisco; Jobr par Monster Worldwide; Deep Forest Media par Rakuten et E8 Security par VMware. À ce niveau, ce ne sont plus des accidents, c’est de l’orfèvrerie.

The Hive s’associe à des sociétés telles que GE, Cisco, Verizon, Software AG, SAP, eBay et dispose d’un ensemble de conseillers qui travaillent avec des entreprises telles que Facebook, Google et Pinterest. On ne parle plus ici« d’open innovation», mais de la « serious entrepreneurship factory » !

T. M. Ravi, Managing Director et Fondateur, a eu une longue carrière avec une vaste expérience dans la gestion d’entreprise et les nouvelles technologies. Sumant, Kamesh et Mohan ont tous une formation technique  initiée en Inde, leur pays d’origine, complétée aux États-Unis. Je l’ai déjà dit dans ces colonnes, l’Inde est le vainqueur de la Ligues des Champions des Startups du Web du 21e siècle !

Les investisseurs dans le nouveau et troisième fonds d’un montant de 26,5 millions de dollars comprennent Verizon Ventures, Software AG, GE, Rockwell Automation, March Capital Partners et des individuels. Pas des personnes qui fabriquent des plans sur la comète ministérielle, mais des acteurs privés ayant pris le relais de la course à l’intelligence artificielle. Cette course n’est pas nouvelle, l’intelligence artificielle existe depuis que l’on a inventé les ordinateurs, ou presque, et elle est loin d’arriver à son terme, les résultats commencent à peine à se faire sentir. Ils ont compris les enjeux business liés aux challenges technologiques, et ils prennent des paris, même avec des petits montants. Quand une organisation comme The Hive arrive à transformer des résultats de la sorte, il ne faut pas tergiverser, il faut agir. Prendre part.

Et là, le monde anglo-saxon a une longueur d’avance, ce qu’on du mal à comprendre les technocrates parisiens, qui poussent, poussent, dans un écosystème tricolore qui n’inspire guère à soulever des montagnes. On peut essayer de s’en persuader de l’intérieur, et il y a bien quelques milliardaires pour donner l’illusion d’une machine qui tourne. Mais vu de l’extérieur, on reste bien sceptique. Et d’ailleurs, ailleurs qu’en France, on a le regard pointé ailleurs (volontaire répétition du mot ailleurs, pour bien souligner mon point). Vers l’Asie, par exemple. Vous voyez ?!

The Hive prétend être différent des autres VC et incubateurs en ce sens qu’il utilise un modèle d’engagement «high-touch» : il offre aux startups l’accès à «une équipe de bâtisseurs d’entreprises prospères, d’entrepreneurs en série et d’investisseurs en capital-risque qui ont créé des entreprises leaders sur le marché avec plusieurs milliards de dollars de sorties», selon M.T.. Se différencier, trouver son propre modèle, voilà qui est essentiel dans le monde d’aujourd’hui, plutôt que toujours s’inspirer des autres. Par exemple, prétendre que la France est une startup nation, ça me fait mal à chaque fois : je dirai plutôt que la France est la «subvention nation», avec ses dispositifs fiscaux à rallonge, sa BPI et tout le toutim. C’est artificiel, et il n’y a pas d’intelligence à chercher là-dedans, ce n’est que du « bourrinage mental». Le monde de l’investissement a les mêmes enjeux que tout autre industrie : une énorme compétition en terme d’offre par rapport à des vagues d’étudiants préférant embrasser une carrière dans le monde des startups plutôt que d’aller pointer dans une grosse entreprise. «La principale différence est que nous sommes très impliqués dès le début du projet, souvent avant même que l’entreprise ne démarre » a précisé M.T..

Les nouveaux fonds visent à aider les entreprises en phase de démarrage à créer de la valeur en utilisant l’intelligence artificielle dans les secteurs industriels et financiers tels que l’industrie, les services financiers et la santé. The Hive prévoit d’investir dans plus de sept sociétés à partir de ce troisième fonds au cours des trois prochaines années. La société a déjà co-créé deux startups, Decision Engines et Live Objects (aucun rapport avec Orange, soit dit en passant), sur son troisième fonds. Déjà.

Pourquoi l’intelligence artificielle ? C’est un segment de la technologie en croissance rapide, à défaut d’atteindre encore sa pleine maturité. Frederic Hanika, responsable des fusions et acquisitions chez Software AG, a déclaré dans un communiqué que l’impact de l’intelligence artificielle ne saurait être surestimé : « Les entreprises ont un choix clair: investir dans l’intelligence artificielle et perturber la concurrence ou être perturbées par des entreprises en déplacement plus rapide ». « The Hive possède une expertise technologique approfondie en apprentissage automatique, apprentissage en profondeur, NLP/NLU (traitement du langage naturel et compréhension du langage naturel), vision par ordinateur, blockchain, et leurs applications, avec des cas d’utilisation dans l’entreprise ».

Toujours M.T., en guise de conclusion : « Nous voyons l’intelligence artificielle conduire une transformation significative de l’entreprise, où la prise de décision sera en grande partie automatisée. Les efforts des êtres humains seront principalement concentrés sur l’élaboration des politiques et la gestion des exceptions. ». En ce qui concerne l’avenir, The Hive pense que l’impact de l’IA « sera plus important que celui d’Internet ».

« Nous pensons que l’intelligence artificielle va changer le monde et nos vies, et que cela va se réaliser dans notre génération actuelle. ». Là, on est tous bien d’accord.

The Hive
The Hive

 

L’actualité High-tech du jour : NEA

Bienvenue sur cette rubrique au jour le jour sur ce qu’il faut retenir de la Silicon Valley !

NEA

Ce sont 3 lettres qui viennent de marquer la journée de ceux qui s’intéressent au monde des startups : NEANEA comme New Enterprise Associates. Le nom d’une société de capital risque, créée en 1977. Basée à Sand Hill Road, la voie lactée des « capitaux-risqueurs » de la Silicon Valley à Menlo Park, c’est à son palmarès une longue liste d’entreprises qui ont patienté dans les salles d’attente pour connaître le salut de la levée de fonds. 1977, c’est un peu la préhistoire de l’histoire du capital risque, et la période où Sequoia ou encore Kleiner Perkins, bien plus connus aujourd’hui, seront créés.

Je me souviens encore de l’impact de l’annonce de cette autre société appelée Andreessen Horowitz (du nom des 2 fondateurs dont l’un a quand même inventé Netscape), et de ce fonds de capital risque érigé en mode startup (créé en 2009 seulement) qui annonçait avoir levé un fond de $1,5 milliard ! Cela me paraissait assez ahurissant de convaincre des personnes à rassembler une somme pareille, pour déverser des dizaines de millions dans des micro-entreprises. Ils l’ont fait et sont aujourd’hui à la tête de $4 milliards pour changer le monde, fantasme de ces entrepreneurs d’Internet du 21e siècle. Cela marche tellement bien que la société CBInsights qui fait de la veille sur le capital risque a imaginé un club d’un nouveau genre : « The Billion-Dollar Valuation Club ». Je vous laissez le soin d’analyser le tableau ci-dessous, qui donne une idée du nombre de sociétés faisant partie de ce clan (le ratio indiqué est le rapport des valorisations  au montant du capital de ces sociétés).

CBInsights

Mais ceci n’est rien.

Nos amis de NEA viennent de lever un fond de $3,1 milliards. Ce qui va faire de ce VC un gestionnaire d’un total global de $17 milliards au total, avec des investissements qui nous renvoient dans l’histoire de cette Silicon Valley depuis les années 80. Parce que ces petite bébêtes, les startup, elles sont dures à suivre. Il faut les prendre au berceau, de plus en plus jeunes, et être prêt à sur-enchérir à tout moment, car après les Twitter, les Facebook, et autres, y a bon gagner des sous lors des introductions en bourse, ou lors des rachats qui sont des opportunités permanentes pour les géants du web qui veulent continuer à grossir comme des gloutons. Et aussi, cela met plus de temps qu’avant d’arriver à la maturité du fruit de la startup, donc il faut pouvoir approvisionner régulièrement, continuer à arroser la petite plante. Facebook a mis 8 ans à arriver en bourse. Enfin, ce sont pas charters entiers qu’ils arrivent, ces serial entrepreneur à capuche, qui viennent grossir les rangs des gens qui veulent changer le monde dans cette Silicon Valley.  » Tout le monde peut devenir entrepreneur » : derrière la bêtise ultime de ce slogan, ils sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance et convaincre des investisseurs de réaliser leur « vision ».

Avec ces 3 milliards, NEA a de quoi voir venir. Qu’y-z-y viennent.

Copyright Micha Schlafer, Ukraine
Copyright Micha Schlafer, Ukraine

Mercredi 15 avril 2015

A demain pour la suite…